Origines du laissez-faire en France XVIIe–XVIIIe siècles
Origines du laissez-faire en France
XVIIe–XVIIIe siècles
CONTEXTE
Situation économique de la France à la charnière des XVIIe et XVIIIe siècles
- Agriculture faible
- Fiscalité écrasante
- Corporations bloquantes
- Colbertisme : règlements, guerre commerciale
- 1690–1710 : critiques → naissance de l’analyse économique
PRÉCURSEURS
- Vauban → dîme royale (impôt unique)
- Boisguilbert → libre-échange, impôt proportionnel
- Cantillon → entrepreneur, théorie des prix, effet Cantillon
- Pré-Gournay → premières idées anti-corporations
RÉFORMATEURS
(École de Gournay)
- Abbé de Saint-Pierre → paix, échanges gagnant-gagnant
- d’Argenson → ordre spontané, État minimal
- Gournay → « laisser-faire », liberté du travail
- Réseau Gournay → traductions et diffusion de Cantillon (1755)
PHYSIOCRATIE
- Quesnay → Tableau économique (1758)
Principes :
- Agriculture seule « productive »
- Propriété privée inviolable
- Liberté totale du commerce
- « Despotisme légal » (État arbitre neutre)
Acteurs :
Mirabeau, Dupont de Nemours, Baudeau,
Mercier de la Rivière, Le Trosne
Période : 1765–1775 (apogée européenne)
TURGOT — THÉORICIEN
- Réflexions (1767) : formation de la richesse, pré-Smith
- Valeurs et monnaie (1769) : valeur subjective
- Lettre sur l’intérêt (1770) : liberté du taux
- Vision : ordre spontané, anti-dirigisme
TURGOT — RÉFORMATEUR
- Intendant du Limousin : taille, routes, pauvreté
- Contrôleur général (1774) :
- liberté du commerce des grains
- Six édits : suppression des corporations
- 1776 : renversé par les privilégiés
HÉRITAGE
- Socle du libéralisme économique français
- Influence directe sur Adam Smith
- Impact sur la Révolution : propriété, liberté du travail
- Héritiers du XIXe siècle : Say, Bastiat, Molinari
FIL ROUGE
Crise
→ Précurseurs
→ Gournay
→ Physiocrates
→ Turgot
→ Révolution
Synthèse HIS204 — PlanBNetwork
Origines du laissez-faire en France (XVIIe–XVIIIe siècles)
1. Contexte général
Au tournant des XVIIe–XVIIIe siècles, l’économie française est en déclin : agriculture insuffisante, fiscalité écrasante, corporations rigides, commerce entravé, absence de science économique.
La domination du colbertisme repose sur quatre maximes : industrie par règlements, commerce comme guerre, taxation par surcharge, richesse assimilée aux métaux précieux.
Entre 1690 et 1710, une critique croissante identifie ces principes comme causes de la stagnation et fait émerger la nécessité d’une pensée économique structurée.
2. Les précurseurs du laissez-faire
- Vauban : dénonciation de la misère fiscale, proposition d’un impôt unique proportionnel.
- Boisguilbert : primauté de l’agriculture, critique des règlements, importance des prix libres.
- Cantillon : analyse des circuits économiques, rôle central de la production agricole.
3. Les réformateurs du premier XVIIIe siècle
- Saint-Pierre : pacifisme économique, vision d’un ordre naturel fondé sur la prospérité.
- d’Argenson : première formulation claire du « laisser-faire, laisser-passer ».
- Gournay : mentor intellectuel de Turgot ; lutte contre les corporations ; diffusion de la liberté du travail et du commerce.
4. Les physiocrates (milieu XVIIIe siècle)
Quesnay (1694–1774) organise la première école économique cohérente.
- Doctrine : ordre naturel, propriété inviolable, agriculture seule productive, liberté totale des échanges, « despotisme légal ».
- Outils : Tableau économique (1758), modélisation des flux et de la reproduction du produit net.
- Diffusion : Éphémérides du citoyen, Journal de l’agriculture, articles de l’Encyclopédie.
Apogée 1765–1775 avec Mirabeau, Dupont de Nemours, Abeille, Mercier de la Rivière, Le Trosne, Baudeau.
Influence en Allemagne, Russie, Suède, Toscane ; rôle indirect sur les réformes de Turgot et la Révolution.
Dupont de Nemours : disciple majeur de Quesnay ; inventeur du terme « physiocratie » ; éditeur et organisateur de l’école ; conseiller de Turgot ; acteur politique (1792, Terreur, exil américain) ; fondateur de la lignée DuPont.
5. Lumières économiques et Encyclopédie
- Voltaire : soutien à la liberté économique, scepticisme sur l’impôt unique.
- Diderot : oscillation entre physiocrates et critiques galianistes.
- Rôle global : diffusion du laissez-faire via les articles économiques de Quesnay et Turgot.
6. Turgot : théoricien du laissez-faire
- Héritier de Gournay ; auteur de travaux majeurs :
- Réflexions sur la formation et la distribution des richesses (1767)
- Valeurs et monnaie (1769)
- Défense de la liberté de l’intérêt (1770)
Formulation d’un laissez-faire cohérent, proche des visions ultérieures.
7. Turgot : réformateur en action
Intendant du Limousin : réforme de la taille, routes, instruction, lutte contre la pauvreté.
Ministre (1774–1776) : application d’un programme physiocratique modéré (liberté du commerce des grains, abolition des corporations, fin des privilèges).
Résistance sociale et politique → chute rapide, héritage durable.
Synthèse finale
La pensée économique française du XVIIe–XVIIIe siècle évolue d’une critique du colbertisme vers une doctrine cohérente de liberté : intuitive chez Vauban, Boisguilbert et Gournay, systématisée par Quesnay et les physiocrates, rationalisée et appliquée par Turgot.
Ce mouvement fonde la science économique moderne, influence Adam Smith et prépare les principes de propriété, liberté du travail et liberté du commerce consacrés par la Révolution.